JOURNAL

Samedi 6 mars, 11h-15h, farniente à la terrasse d’un café. Sur la table, L’opinion d’hier. Les jeux sont faits, les mots fléchés de Moncef Benkiran et les grilles de SUDOKU proprement remplis au stylo noir, ce qui fait perdre 75% de son utilité au journal et m’invite à savourer en consolation les 25% restants : le programme des sorties au cinéma et les Télégrammes signés « aoûtvigilant » qui parait-il font la pluie et le beau temps…

Dans le fatras des titres de Une, j’essaie quand même de repérer une information essentielle, qui me permettrait d’ajouter un bonus à l’utilité relativement gratuite de ce canard politicien. En rouge, merci le maquettiste, j’apprends que le Sommet Maroc-Union Européenne prévu pour se tenir les 6 et 7 mars prochains à Grenade, en Espagne constituera « une feuille de route de l’avenir des relations bilatérales ». Il sortira donc de ce Grenade ce qu’il en sortira, sachant que ce sommet, nous explique N. Batije « est le premier du genre tenu entre l’UE et un pays tiers sous le Traité de Lisbonne ». Qui a dit qu’il valait mieux faire envie que pitié ? Le proverbe ne vaut certainement pas pour le Grand Maghreb en tous cas…

À part ça il est question d’une grève qui n’aurait eu « aucune raison d’être » mais qui aurait été menée quand même pour un résultat insignifiant, d’après l’éditorialiste de l’Opinion. Évidemment, l’Opinion est le journal de l’Istiqlal est l’Istiqlal est le parti dirige le gouvernement, donc le dialogue social ne peut que se porter à merveille et les fonctionnaires sont gentiment priés de continuer à fonctionner…

Vu que lorsque les enseignants désertent l’école pour faire la grève, les écoliers en profitent pour faire l’école buissonnière et aller se faire tuer dans des mines désaffectées. Cela s’est passé mercredi matin dans la province de Jerada, raconte l’Opinion dans un autre de ses titres en Une ce vendredi-là : deux écoliers, qui avaient imaginer de compenser le manque à gagner scolaire dû à la grève, par quelques miettes de plomb arrachées à la mine « Oulad Kari », en vue de les troquer contre une poignée de dirhams, y ont laissé la vie. Pour les leaders syndicaux, qui se font tirer l’oreille pour entendre parler de continuité du service public, quel manque de peau !

Mais tout le farniente du monde ne pourrait pas inciter à se farcir la grisaille typographique de ce quotidien au demeurant fort sympathique, quand on sait qu’en page 11 une brochette de délicieux télégrammes est au programme !

Avec la capacité exemplaire de leur auteur à prendre la défense des causes les plus délicates, comme en témoigne le billet d’ouverture de cette sorte de « rubrique-à-brac » :

« Les travaux de l’élargissement de l’Autoroute Rabat-casa avancent sur un bon rythme. Plus on creuse au centre, plus on s’aperçoit que l’espace pour un doublement des voies était prévu dès le départ. Dès qu’on a tracé cette autoroute qui a réduit le nombre de morts et de blessés entre les deux villes, il était admis qu’un jour les deux voies seraient doublées. Conclusion : ce qui aurait dû être programmé il y a des années voit enfin son tour arriver. Le pays revoit les plans qui semblaient définitifs.

Ceci dit, les plantes sauvages, cactus, mimosas – de toute beauté sur les deux côtés – seront effectivement arrachés pour faire place au béton. Mais il faut espérer que les réaménageurs de l’autoroute qui arrivent, comme des maîtres-nageurs dans cet océan de bitume, ne touchent pas à la végétation luxuriante qui accompagne les voyageurs sur l’une des plus belles autoroutes du pays qui offre des paysages verdoyants juste après les premières pluies.Stop. »

Se réjouir de l’existence des autoroutes et plaider pour la préservation des petites fleurs des champs ? Voila une opinion qui pour être paradoxale n'en est pas moins dans l’air du temps…